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Retour sur le colloque international "Diplomaties plurielles"

Les 25 et 26 octobre 2017 s’est tenu à Banska Bystrica en Slovaquie, le Colloque international "Diplomaties plurielles" co-organisée par le Larequoi, le Think Tank EuropaNova, la Nouvelle Université Bulgare, l’Université Ioan Cuza de Iasi et l'Université Matej Bel de Banska Bystrica.

le 9 novembre 2017

actualité publiée le 9 novembre 2017
Banska Bystrica (Slovakia)
« La diplomatie est la police en grand costume » écrivait Napoléon dans ses Maximes et Pensées, un aphorisme qui convenait à Talleyrand, ministre des Relations extérieures. Mais de quelle diplomatie s’agissait-il ?
Bien plus tard, Satow définit la diplomatie « comme l’utilisation de l’intelligence et de tact dans la gestion des relations officielles entre les gouvernements des États indépendants, ou la conduite des affaires entre les États par des moyens pacifiques » (1979 [1917]). Cette définition reflète fidèlement le fonctionnement du système politique mondial, après le traité de Westphalie. L’État devient un élément fondamental du système international et c’est grâce au principe de souveraineté respectée que ce système se généralise.
La politique étrangère et la diplomatie sont devenues deux démarches et moyens différents et complémentaires. Du point de vue des États, la politique étrangère désigne l’ensemble des priorités sur lesquelles ils fondent leurs actions vis-à-vis des autres acteurs du système politique mondial, englobant les buts essentiels qu’un gouvernement national veut faire prévaloir sur la scène internationale dans la poursuite de ses intérêts. Ce processus comprend aussi les moyens qu’un État utilise pour atteindre ses objectifs. La politique étrangère est une stratégie, un ensemble d’objectifs d’actions d’un État hors de ses frontières tandis que la diplomatie est un des moyens de l’État pour réaliser ces objectifs de politique étrangère. Il s’agit d’expliquer les objectifs de la stratégie et d’aider à déterminer de meilleures modalités pour amener la politique vers l’acceptation de thématiques nouvelles. La communication est ainsi au centre de la diplomatie.
À la fin du siècle dernier, le système politique westphalien s’est transformé en système « global » dans un monde devenu ce « village global » de McLuhan et Powers (1989). De nouveaux réseaux d’interdépendance se sont formés, de nouveaux acteurs sont apparus et ont généré de nouvelles influences. La diplomatie « traditionnelle », un des moyens de gérer et d’influencer ces relations, s’est adaptée. L’expansion des organisations internationales, des multinationales, des organisations non gouvernementales et d'autres entités a causé la création de nouveaux réseaux.
De nouveaux acteurs sont ainsi apparus dans le système international, en particulier des acteurs non étatiques. Le champ de la diplomatie s’est donc diversifié : les activités diplomatiques ne concernent plus seulement les États, et à l’intérieur des États, plus uniquement le personnel diplomatique. Des pratiques et des objectifs qui peuvent être qualifiés de diplomatiques sont désormais installés au sein des organisations multinationales, des entreprises, des parlements, etc.
La diplomatie singulière ne se laissait pas surprendre. C’était une diplomatie du possible, du temps sinon long au moins calibré en décennies, d’une réalité construite par l’articulation entre information, négociation, représentation et coordination, d’une anticipation sans réaction intempestive ou commentaire, une affaire de professionnels qui tentaient de surmonter impressions, sentiments, préjugés.
Dans une logique de globalisation, tout est ou devient diplomatie, la diplomatie est évolutive, dynamique : économique, culturelle, climatique, touristique, sportive, spatiale, culinaire, de la recherche, religieuse, numérique, de la santé, etc. De nouveaux acteurs se sont imposés, de nouvelles méthodes, de nouvelles pratiques et de nouveaux concepts : diplomaties parlementaires, diplomatie 2.0, public diplomacy, etc.

L’ambition du colloque « Diplomatie plurielle » qui a eu lieu à la Faculté des sciences politiques et des relations internationales de l’Université Matej Bel Banská Bystrica les 25 et 26 octobre 2017 était de présenter ces évolutions. Ce colloque a été réalisé, dans le cadre des activités de la Chaire Jean Monnet ad personam « Identités et cultures en Europe », en partenariat avec le Think Tank Europanova, le Centre for European Studies de l’Université Alexandre Ioan Cuza de Iasi, l’Institut Franco-Slovaque, le Laboratoire de recherche sur les politiques publiques de la Nouvelle Université Bulgare et le Laboratoire de recherche en management LAREQUOI de l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines.

98 spécialistes de 22 pays différents ont proposé initialement 83 contributions. 53 ont été retenus et finalement 35 ont fait l’objet d’une présentation publique et d’une discussion. Organisées sur deux jours, plusieurs sessions ont regroupé les contributions de manière thématique : diplomaties parlementaires, diplomaties européennes, diplomaties du sport, diplomaties culturelles, diplomaties économiques, nouvelles pratiques, nouveaux acteurs et nouvelles perspectives. Plus de vingt spécialistes français se sont déplacés à Banska Bystrica, des universités de Toulouse, Grenoble, Lyon, Paris, Versailles et du Collège de France, pour échanger avec des contributeurs de Roumanie, Bulgarie, Pologne, des Émirats arabes unis et bien sûr de Slovaquie.
L’ouverture solennelle du colloque a été assurée par S.E. M. Christophe Léonzi, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française en République slovaque, S.E. Mme Yordanka Chobanova, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Bulgarie en République slovaque et par M. Liam Wasley, Chef adjoint de la Mission diplomatique de l'Ambassade des États-Unis en Slovaquie. L’Ambassade de France en Slovaquie a été particulièrement intéressée par les thématiques du colloque et Son Excellence M. Léonzi a ensuite pris part à la conférence en qualité de contributeur, développant la thématique de la diplomatie européenne.
La première journée a été conclue par M. Denis Simonneau, diplomate, ancien membre du Comex d’ENGIE en charge des relations européennes et internationales, en visioconférence depuis la mission diplomatique permanente de la République française auprès de l'ONU à New York.

Lors des sessions consacrées aux diplomaties parlementaires et préparées avec Antoniy Galabov, conseiller auprès du Parlement de la République de Bulgarie, les contributeurs ont exposé le développement du rôle diplomatique des parlementaires, avec l’exemple de la Francophonie (Philippe Péjo), des interventions des parlementaires européens dans le contexte du conflit russo-ukrainien (Orkhan Mirzayev) et des activités de l’Association des Sénats européens (Lukas Jakubiak). En conclusion du colloque, Manon-Nour Tannous et Bertrand Ollivier ont proposé une analyse de la crise syrienne et le rôle de la diplomatie parlementaire (française) entre 2011 et 2017.
La diplomatie européenne est récente, et en construction (Christophe Léonzi). On peut douter de ses capacités réelles (Jean Crombois) mais il est également possible de considérer ce dispositif supranational comme un « catalyseur » de l’ensemble des diplomaties des États membres (Oana Andreea Macovei). Cette diplomatie peut être orientée sur l’économique, par exemple pour consolider les institutions et les échanges entre l’UE et la Moldavie (Carmen Gabriela Pascariu & Muschei Ion) ou bien intervenir sur les dispositifs de protection des données (Ratislav Kazansky & Miroslav Brvnistan). L’analyse des relations actuelles entre la Russie et l’UE illustre les limites de « l’imagination politique » de cette diplomatie européenne (Loredana Maria Simionov).
Depuis le ping-pong en Chine ou le football en Arménie, des diplomaties du sport se sont affirmées. Peter Terem, Ivan Stulajter et Matus Stulajter ont proposé une analyse de cette évolution, un « enjeu stratégique » pour les États du Golfe (Michel Raspaud), de reconnaissance internationale pour le Kosovo (Jean-Baptiste Kastel). La culture, sous toutes ses formes, est également au centre de différentes formes de diplomaties, soft power ou non, culinaire (Brahim Labari, Leila Errhouni, Lamia Benjelloun), linguistique (Elena Zhogovska) ou patrimoniale (Bernardin Kouhossounon).
La diplomatie économique n’est pas nouvelle, mais prend de nouvelles formes, avec le devoir de vigilance (Florian Flavereau et Marine Bastiege). La culture corporate développe une nouvelle forme de diplomatie en Europe (Imane Bouterfas), les entreprises slovaques utilisent les outils de la diplomatie économique (Gabriela Kormancova) et une dimension normative s’impose donc (Magadalena Kania). Les diplomaties d’entreprise, analysées pour le Japon (Louis-Caleb Remanda) ou l’Algérie (El Hadi Guesmia, Abrika Belaid et Lagha Chegrouche), peuvent aussi avoir un rôle pour la paix, comme dans l’exemple du groupe Hyundai en Corée (Seock-Jun Yoon).
Les supranationales développent ainsi de nouvelles pratiques diplomatiques qui peuvent par exemple impacter directement la gestion des ressources humaines (Zaneta Lacova, Jana Marasova et Anna Vallusova). Le diplomate d’entreprise est désormais un acteur essentiel (Mourad Attarça), et une fonction de gestion des relations internationales au sein des entreprises se professionnalise d’une manière, en définitive, assez proche des diplomaties régaliennes (Denis Simonneau).
Nouvelles pratiques, nouvelles perspectives : les Émirats arabes unis s’inscrivent dans des démarches très différentes de celles des pays occidentaux (William Guéraiche), une diplomatie militaire s’impose, notamment en Europe centrale (Jozef Zigray), et de nouveaux acteurs participent à une nouvelle diplomatie globale (Lucian-Dumitru Dirdala). Think Tankers, intellectuels, universitaires s’inscrivent désormais dans le champ diplomatique (Lucie Desmoulins, Zhao Huang). Des diplomaties « écologique » (Vihren Evgeniev Mitev), climatique (Dieudonné Toukea), scientifique (Aurélie Ewango-Chatelet) s’affirment sur la scène internationale alors même que les médias et les vecteurs d’information s’inscrivent dans un système mondial et sous contrôle des marchés et/ou des politiques (Maria Rostekova et Guy de Balbine).

Les contributions issues de ce colloque seront, après évaluation, publiées en France, dans des ouvrages thématiques collectifs, et dans un numéro monothématique de la revue Politické Védy de notre faculté. Depuis dix ans, la Faculté des sciences politiques et des relations internationales organise des événements scientifiques de ce type en partenariat avec des établissements universitaires français et européens. Ce colloque était ainsi le quinzième et nous avons publié 18 ouvrages collectifs aux éditions Bruylant, à Bruxelles et dans la collection Local & Global aux Éditions L’Harmattan, Paris.

Radovan Gura et Gilles Rouet


> Consulter les photos de l'événement.

> Intégralité du colloque en vidéo :

Informations complémentaires
Comité scientifique

Julien Arnoult, CERSA
Mourad Attarça, ISM, Larequoi, UVSQ
Elise Bernard, Europanova
Hervé Chomienne, ISM, Larequoi, UVSQ
Thierry Côme, Université de Reims-Champagne-Ardenne
Antoniy Galabov, Nouvelle université bulgare, Sofia
Radovan Gura, UMB
Jana Marasova, UMB
Gabriela Carmen Pascariu, Université de Iasi
Stela Raytcheva, ISM, Larequoi, UVSQ
Gilles Rouet, ISM, Larequoi, UVSQ
Maria Rostekova, UMB
Philippe Very, EDHEC